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Mon côté de la barrière
4 décembre 2017

Etre ou ne pas être, tel est le réseau social

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Je n'ai pas vu Trucmuche depuis un sacré bout de temps. Trucmuche n'a de moi que l'aperçu que je veux bien laisser sur Facebook ou Instagram. Pourtant, Trucmuche semble croire qu'il me connaît jusqu'à la vésicule biliaire.

"Ah mais tout a l'air de rouler pour toi dis moi! J'ai vu sur Facebook que..."

Déconnexion.

Trucmuche, je suis désolée., il faut que je te dise. Je crois que tu t'es un peu laissé berner sur la boutique.

Je viens d'agrémenter ma vitrine, c'est tout. Dans ma vitrine, je mets ce qui brille, ce qui me plaît, ce qui fait que les gens ont envie de s'intéresser au magasin. C'est pas du fake, je te jure. Les articles en vitrine, tu les retrouves aussi en rayons.

Mais comme toute vitrine, je te mens un peu. Je veux que ce soit impeccable, que ça ressemble à ce que je m'efforce d'être ou de devenir. Je fais en sorte qu'elle me donne envie de pousser la porte tous les matins et que ce soit joli et attractif pour les autres si leur journée a mal commencé.

Parfois elle est aux couleurs du temps qu'il fait chez moi. Il arrive qu'elle soit un peu nue, mais j'aime y ajouter un décor, pour l'habiller, pour donner et me donner le sourire. Elle me ressemble, en un peu plus édulcoré.

C'est ce qui enjolive la façade. Mais l'arrière-boutique est privée et généralement je ne laisse pas entrer tout le monde. Parce qu'il y a les invendus et les articles démodés, ceux qui sont troués et ceux qui appartiennent au passé, ceux que je n'ose pas afficher en rayons parce qu'ils ne correspondent pas à l'image de la marque.

J'ai beaucoup observé ces derniers temps les gens qui me semblaient être les personnes les plus enthousiastes du monde, celles que tu admires parce que rien ne semble les atteindre, celles qui semblent croquer la vie à coup de filtres et de smileys.

J'ai entrevu l'arrière-boutique de mon voisin. Derrière l'humour: le burn out, les coups de sang, les larmes, la dépression. Il semble pourtant avoir trouvé le job de sa vie, il est convoité, il est bon de s'afficher près de lui, c'est tendance et ça gonfle le réseau. Mais aucun d'entre eux ne sait à quel point il va mal. Parce qu'ils n'ont pas envie de s'intéresser aux articles qui ne leur iront pas au teint.

La vitrine de ma voisine est garnie de stories night et projecteurs. Chaque verre la rend plus cool et plus insouciante. Elle est accessible, plus sociable. Dans l'ombre, son arrière-boutique est une sombre gueule de bois. Elle y jette ses escarpins qui lui ont bouffé les pieds toute la nuit, s'effondre sur son lit avec la tête qui tourne et les oreilles qui bourdonnent encore. Demain, elle postera seule ses derniers clichés de soirée, tandis qu'elle enviera les fils d'actu de ceux qui semblent passer un merveilleux dimanche en famille.

Ici, l'arrivée de bébé a été un cataclysme. Maman cache son ventre qui pendouille loin des silhouettes culpabilisatrices des comptes diktats sport et minceur qu'elle suit. Papa a des cernes aussi grandes que la muraille de Chine à cause des dernières poussées dentaires de son rejeton. Mais le bon angle, la bonne lumière et la photo en noir et blanc feront l'affaire. Quelle famille parfaite! Emballé c'est twitté

Et on en parle ce ces deux-là? Qui semblent s'aimer comme si un nouveau big bang était entrain de se produire? Nul doute que tout le monde envie leur complicité, leurs démonstrations d'affection et leurs selfies bien cadrés. Qui aurait le culot de mettre en vitrine un coeur fissuré, des nuits sans sommeil ou des rêves chiffonnés?

Le problème de tout ça, c'est qu'à force de photoshoper nos vies, je ne suis même pas certaine que nous sachions qui nous sommes vraiment.

Aujourd'hui, je suis ma lampe Ikea, demain je serai ma nourriture healthy ou mon DIY. Les rires de mes enfants deviendront un joli snap et mon nouvel an un Facebook live exceptionnel.

Nous sommes tous responsables de cette grande mascarade et je suis la première concernée.

Je travaille pour évincer de ma vie le regard des autres tandis que je me soumets chaque jour à leur jugement. 

Je ne propose pas de tout arrêter. Il y aura toujours des vitrines, des strass et du parfum synthétique.

Mais si parfois on pouvait un peu s'intéresser à ce qui se trouve en réserve, on pourrait recoudre bon nombre de déchirures et trouver pas mal de trésors.

Suis moi, je te suis, tu es et je suis, sans filtre.

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Commentaires
E
Tellement bien écrit, tellement bien décrit... j'adore ta petite phrase sur le fait d'évincer de sa vie le regard des autres parce qu'il est clair que parfois les réseaux sociaux font plus de mal que de bien sur ce point. J'ai quitté fb après avoir la même réflexion que toi et je me désabonne chaque jour de plein de comptes insta parce que je n'ai plus envie de me laisser berner par toutes ces belles histoires. Prends soin de toi et continue d'écrire !!!!
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M
Ton article est parfait et résume totalement mon sentiment du moment. Sur les réseaux sociaux il faut montrer que du beau, du positif... ne surtout pas montrer qu’ici aussi c’est dur, que tout part en roue libre, et si tu montres des larmes camoufles-les dans un fou rire... J’ai beau connaître le côté pile des réseaux sociaux, je culpabilise face aux multiples photos en me disant que mon intérieur n’est pas assez ranger, mon assiette assez équilibrée, ma vie sociale assez animée, mon physique assez agréable.... Et même si j’en étais satisfaite les réseaux me font douter, me laisse un petit goût amer et je le laisse me dévaloriser. Alors que dans l’arrière boutique du voisin, la perfection de façade n’y est plus.<br /> <br /> Quand Instagram, Facebook... se transforme en Docteur Jekyll et Mister Hyde. <br /> <br /> Oups, je vais m’arrêter la. <br /> <br /> Bisous.
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